Photo : Céline

Un examen critique de la putophobie française

Pour Comme Nous Brûlons, Nikita Bellucci, Morgane Merteuil et Ramona reviennent sur la pluralité de définitions et l’expression quotidienne de la putophobie.

Pour la seconde édition de Comme nous brûlons – ardent festival qui donne libre parole pour élargir les réflexions sur les causes féministes et queer – les organisatrices (Maria Knoch, co-fondatrice, Jasmin Le Malin, co-organisateur, Retard Magazine et des membres de la Brigade du Stupre et des Amours Alternatives) s’intéressent plus en détail aux insultes que subissent les femmes et personnes trans. Salope : foncièrement notoire. Traînée. Putain. Ou son alter-ego : Pute.

Après la loi, les travailleuses du sexe ont dû s’isoler de plus en plus dans les bois pour rassurer le client face à la police, et pour ne pas être tabassées par des criminels qui viennent les voir. Le client offre encore plus d’argent pour avoir des rapports sans protection et les femmes – qui n’ont pas davantage de clients – ne peuvent plus faire face financièrement pour payer leur loyer, leur chambre d’hôtel, pour manger. Elles acceptent et deviennent séropositives après cette loi. C’est une loi de santé publique et sociale, et elle nous met encore plus en danger. Ramona

C’est sur cette ultime injure que se sont penchées Marine Normand (co-fondatrice et rédactrice en chef de Retard Magazine), Nastasia Hadjadji (émission Music HerStory et journaliste) en invitant Nikita Bellucci (ancienne actrice porno), Ramona (membre de l’association Acceptess-T pour la sécurité des personnes trans’) et Morgane Merteuil (travailleuse du sexe et militante féministe auteure de l’ouvrage Libérez le féminisme paru en 2012).

À partir du moment où j’ai décidé de faire ce que je voulais de mon corps et de faire le choix d’être actrice porno, c’est comme si on m’enlevait toute capacité de réflexion, de réfléchir, de m’exprimer. Quand j’ai commencé à m’exprimer sur des faits, par exemple Monsanto ou n’importe quel fait de société, j’étais insultée « Retourne sucer des bites », « T’es qu’une pute, t’es qu’une merde, etc ». […] Et un jour je me suis dit, c’est simple, tu vas te relever et tu vas te battre. Nikita Bellucci

Une heure durant, le trio interroge les enjeux vécus par les femmes confrontées à cette insulte récurrente. Quels stigmates recouvre-t-elle ? Quel impact sur les femmes ? Les femmes sont-elles toutes des putes ? Quels mécanismes de défense, qu’ils soient physiques, verbaux ou mentaux, à adopter face à la persistance de ces attaques ? Quelle place pour les travailleuses du sexe – dans une société où la pénalisation de la prostitution touche avant tout les prostituées féminines et trans ? Nombre d’interrogations signifiantes pour ces femmes qui, tout en évoquant leurs parcours propres, reviennent sur la nécessaire création d’une inclination commune pour faire face au patriarcat.