Fascination russe et coups de chaleur, retour sur la quatrième édition du Garage MU Fest avec Warmduscher, Metz, Ytpo, Ashinoa…
Au commencement de juillet, par une soirée excessivement chaude, un jeune homme sortit de la petite chambre meublée qu’il occupait sous le toit d’une grande maison de cinq étages, dans le péréoulok d’une rue de l’Est…, et, lentement, d’un air irrésolu, il se dirigea vers la Porte d’Aubervilliers…
Il arpenta les monts sinueux, mais rassurants, d’une fête qu’il connaissait bien. Il plongea, tête la première, dans une interminable et réjouissante troisième mi-temps.
Il regarda autour de lui : des Canadiens bousculaient les foules, des Japonais lançaient des guitares en l’air, des Fennecs domptaient des Elephants, des klaxons criaient, des feux d’artifices explosaient, des drapeaux flottaient à travers les vitres des voitures endiablées, des corps se jetaient les uns contre les autres dans un élan festif, certains se languissaient dans la moiteur d’une obscurité impénétrable.
Soudain, les lumières se rallumèrent, les visages féeriques devinrent disgracieux, les odeurs enivrantes étaient dorénavant nauséabondes : la fête était finie.
Les lueurs d’un lundi matin désenchanté apparurent dans le crépuscule d’un soleil orangé. Il pensa au Tour de France 98 et au spectre d’un Richard Virenque à terre, peroxydé, en pleurs. Il pensa à la victoire du Mont Ventoux 2002. Il regarda les portes du temple d’Aubervilliers se refermer derrière lui. Il conclut, conquérant et déterminé comme jamais : « On se donne rendez-vous l’année prochaine ».
Metz
Un char d’assaut avance sans réfléchir. Les arbres tombent. Les pneus crissent. Un bruit assourdissant. Les vibrations du souffle font trembler les corps terrifiés. La boue s’évapore dans le ciel d’une nuit d’horreur. C’était la guerre, elle fut éclair. Puis la paix est revenue dans le bourg. Messin plutôt que Français.
PanSTARRS
Yousseff Abouzaid fait la musique qu’il aime, dans un pays où il n’y a pas forcément beaucoup d’endroits pour la faire. Il préfère l’aventure d’une indie pop à guitares, racée et intelligente, que l’agitation pantouflarde d’un shaabi commercial et ringard. Il ne tient pas de discours bien-pensant et lâché avec dédain pour la pose. Il fait les choses avec coeur, envie et intégrité. C’est un déterminisme et une flamme intérieure que même les crues du Port d’Alexandrie n’auront un jour la force d’éteindre et c’est presque aussi beau qu’un but de Mohamed Salah. Fire In Cairo.
Warmduscher
C’est excessif, drôle, sensuel, attachant, bienveillant, fêtard et ça vire par moment au grand n’importe quoi. C’est une bande de potes qu’on invite tout le temps aux soirées même si on sait qu’ils vont y foutre le bordel. Ils le font simplement avec plus de brio que les autres.
Ytpo
Dans un passage de Guerre et Paix, André Bolkonsky est couché sur le sol, blessé, à la limite d’une agonie délirante. Son regard s’évade vers les beautés d’un ciel bleu ensorcelant. Arrive un visage qu’il admire : Napoléon. Celui-ci devient tout à coup risible, désincarné et sans relief face à la puissance des paysages, l’absurdité et le fatalisme du monde. On ne sait pas pourquoi, mais on a beaucoup pensé à ce passage en écoutant la musique des Russes de Ytpo. Oscillant entre lumières et ténèbres, sensibilité face à la nature et divagation poétique, elle scintille face au chaos du monde.
Ashinoa
Lyon, place Bellecour. On entre dans un restaurant. Le chef et ses cuisiniers nous accueillent. Au menu, un plat unique. On en reconnaît immédiatement l’odeur et c’est sans surprise. La première bouchée nous conforte dans notre idée, la seconde dévoile une texture que l’on ne connaissait pas, la troisième amène une subtilité qui fait la marque des grands chefs, la quatrième commence à nous rendre aussi dingues que Jean-François Piège, la cinquième nous fait dire que c’est un plat qui raconte une belle histoire. Le chef et ses cuistos , amusés et humbles, nous regardent avec un sourire en coin. Les apparences sont trompeuses au royaume des chefs étoilés. On en redemande et l’on reste jusqu’à la fermeture. Bad Gones.
Tôle Froide
Génération désenchantée.
Triptides
Un truck avance tranquillement et sereinement avec à son bord quatre garçons dans le vent. Ils contemplent les paysages arides et éternels d’une Amérique de carte postale. Ils s’arrêtent au bord d’une plage. Ils sortent leurs planches de surf et se laissent transporter par l’appel des tubes d’eau cosmiques. Le temps s’arrête. Ils rentrent chez eux; heureux, changés. Requiem pour un Surfeur.
Bo Ningen
Entre délire scénique digne d’un théâtre Kabuki sous psychotropes et virtuosité technique hallucinante, la musique de Bo Ningen est jouissive, infernale, labyrinthique et jusqu’au-boutiste. On pense au visage de Toshiro Mifune à la fin du Château de l’Araignée : apeuré, expressif jusqu’à la nausée, en proie à un orgasme face à une mort qui s’agite en lui tel un spectre enivrant. Il meurt. En Enfer, mais avec panache.
Flamingods
C’est quelques secondes après leur concert qu’on aura observé l’un des moments les plus touchants de ces trois jours. Un groupe ensemble, en rond, se parlant calmement, main dans la main. L’atmosphère est digne du vestiaire d’un petit poucet de la Coupe de France venant d’accomplir un exploit ou de perdre face à plus fort qu’eux, on ne sait pas. Qu’ils aient gagné ou perdu, on s’en fiche. C’est la petite musique qu’ils ont fait trotter dans nos têtes, la philosophie du beau jeu qu’ils ont déployée pendant 90 minutes qui auront conquis nos coeurs pour toujours.
Texte et Montage Podcast : Max-Antoine Le Corre
Interviews : Max-Antoine Le Corre et Clément Douala
Son interviews : Marine Sahabi et Max-Antoine Le Corre