Pour une sociologie de la techno : transe, rencontres exaltées et appartenance au collectif

A l’occasion de la Nuit des Débats, le sociologue Lionel Pourtau revient sur les relations ambivalentes qui lient fête, transe et sociabilité.

Free, raves et autres teknivals ont en commun l’attrait magnétique pour la musique à haute fréquence et la faculté à libérer un profond sentiment de cohésion reliant ceux qui s’y risquent. Loin d’être le simple antagoniste du jour, la nuit est le lieu où se déploie toute une coalition d’acteurs aux ambitions diverses : artistes, producteurs, fêtards ou travailleurs. Tous se retrouvent pourtant dans un espace donné, astreints pour un temps à vivre ensemble.

Lionel Pourtau, docteur en sociologie depuis 2005, auteur d’une thèse dirigée par Michel Maffesoli intitulée « Frères de son : les socialités et les sociabilités des Sound Systems technoïdes » et auteur de deux ouvrages sur la techno (Techno : voyage au cœur des nouvelles communautés festives en 2009 et Techno 2 :  une subculture en marge paru en 2012) a concilié la pratique de la sociologie et les longues nuits assidues de fête. Ancien teufeur, il observe avec minutie le mouvement des free et des teknivals entre 1997 et 2012 et surtout, étudie la psychologie des participants et les sociologies de groupes qui en émergent.

La musique électro n’a pas cherché à être une marginalité, elle a cherché à se développer d’une façon assez naturelle dans son environnement, celui des clubs et des discothèques. Et elle a rencontré une hostilité parce qu’elle changeait le format. […] Le schéma sensoriel de l’expérience s’est très significativement allongé et là l’ordre social qui était dans le cas présent un ordre moral a dit ‘’non c’est trop long’’.

Par quels moyens la nuit peut-elle dissoudre ce paradoxe fondateur, qui consiste à y être présent à la fois tout seul et tous ensemble ? Au cours de cet échange, enregistré à La Station – Gare des Mines alors qu’AZF s’apprêtait à prendre les platines, Lionel Pourtau évoque la logique de foule inhérente – et nécessaire – à l’expérience musicale nocturne. Il continue en abordant la recherche d’un état modifié de conscience voire la quête de transe… Lorsque la raison s’éloigne peu à peu, l’affect se renforce et les nuits paraissent toujours plus longues.