Photo © Nadia Rabhi

Face à la tour de Romainville, le Grand Paris des stationnaires avec Philippe Vasset et Raphaël Dallaporta

En juin dernier, dans le cadre du festival Métamines, l’écrivain Philippe Vasset et le photographe Raphaël Dallaporta, profitent de la vue qui se déploie depuis les Magasins Généraux à Pantin pour présenter, en face de la tour de Romainville, leur dialogue sur les sémaphores du Grand Paris.

On connaissait de Philippe Vasset, écrivain détective sillonnant les marges urbaines (La Conjuration, Fayard, 2013), les zones échappant à la représentation (Un livre blanc, Fayard, 2007) et les grands projets avortés laissés à l’état de friche (Une vie en l’air, Fayard, 2018) un goût pour l’enquête et la découverte du territoire par ses trous et ses vides. On connaissait moins de l’écrivain en résidence à la Station – Gare des Mines depuis 2016 son inclination pour les sommets. C’est ce qu’il nous donne à voir et à entendre en présentant quelques fragments de la collaboration qu’il a initiée avec Raphaël Dallaporta, le complice favori de son exploration obsessionnelle des interstices de la ville

Raphaël Dallaporta est photographe et amoureux de livres. Touche à tout, se rendant intime de castes et professions aussi confidentielles que les démineurs (sa série Antipersonnel), les médecins légistes (dans le cadre de l’exposition Sciences qu’il partage avec Berenice Abbott sous le commissariat de Françoise Docquiert), les archéologues (avec son fascinant projet Ruins) ou encore des juristes, il oscille entre traitement documentaire et symbolisme de l’image. Avec Azimuth, il se lance à l’assaut des sommets du Grand Paris en embrassant les paysages que déroule la métropole depuis les derniers sémaphores qui toisent Paris.

Ancêtres des télécom, ces tours de contrôle servaient alors à la communication optique empruntant au procédé télégraphique, inventé par Claude Chappe bien avant l’invention de l’électricité. Vestiges désormais caduques d’une pré-modernité, stigmates verticaux du paysage métropolitain, ces sémaphores se donnent à l’oeil du photographe comme autant de points de vue à même d’esquisser un dialogue en apesanteur, au-dessus de la ville et de ses brumes polluées. Les images de Raphaël Dallaporta, baignées d’une colorimétrie chipée à Uranus, immergent le regardeur dans des paysages comprimés, où la distance supprime la perspective et invite au vertige d’un Paris en aplats. A la recherche du récit des derniers stationnaires – ces gardiens de phares urbains – Philippe Vasset met en mots cette quête photographique, jeu de vides et de pleins dans les nuées, et déforme notre vision quotidienne d’un Grand Paris vécu par le bas.